Un rêve de promoteur immobilier | ||||||||||||||||||
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C'est l'histoire d'une cité universitaire, aux dires de certains, "trop dégradée pour qu'on y mène une simple rénovation." D'où des projets de démolition ? En voilà une idée stupide ! Mais je suppose qu'il n'y a pas que de la stupidité là-dedans, et j'imagine les mines de tous ces promoteurs immobiliers qui passent quotidiennement devant cet imposant ensemble en passant sur la Nationale, du côté de la Croix de Berny. "Le 1er février 1956, 150 premiers étudiants sont logés à la RUA. Lionel Jospin, admis au printemps, y reste jusqu'en 1959. L'AERUA (Association des étudiants de la résidence universitaire d'Antony) est créée en 1957. Claude Allègre y occupe, en 1959, le poste de délégué social, Gérard Saint-Paul celui de délégué à l'information en 1961. La résidence accueille des étudiants du monde entier. Au plus fort de son activité, elle compte 3 crèches, une école, une supérette, et 50 nationalités différentes." (source : Wikipedia) Il se trouve que je connais assez bien cette cité Jean Zay. Mon frère aîné y a passé pas mal d'années. C'est dire si ça fait un bail que je la fréquente, et que je continue de m'y rendre. Et franchement, en quelques décennies, on ne peut pas dire que l'endroit ait été tellement dégradé. Je dirais même que lorsqu'on y revient, plus de vingt ans après, on ne sent aucun changement, je veux dire, aucune dégradation visible. La visite commence par la gare RER de la Croix de Berny, qui se trouve à un jet de pierre du bâtiment A, quand la queue du monstre se situe à un autre jet de pierre de la gare RER d'Antony, ce qui donne une petite idée de la taille de l'ensemble, le tout, rien que pour des étudiants ! De l'extérieur, aucun signe de dégradation, à l'intérieur non plus, hormis une peinture qui aurait sérieusement besoin d'un rajeunissement. Par ailleurs, je n'ai pas vu beaucoup d'ascenseurs, mais on a affaire à une population jeune, non ? Donc, tout ce petit monde devrait pouvoir prendre l'escalier. Reste la question, cruciale, bien entendu, des handicapés, parce qu'avant d'accéder à un éventuel ascenseur, encore faudrait-il atteindre le rez-de-chaussée. Il est vrai que ça manque de rampes d'accès pour des fauteuils roulants. Si, donc, rénovation il doit y avoir, c'est avant tout en vue de recevoir plus d'étudiants en fauteuil roulant, même s'il faut créer un bâtiment spécialisé à cet effet. Cela dit, une rampe d'accès suffirait à permettre de loger les étudiants en fauteuil au rez-de-chaussée, par exemple. Pour le reste, le bâti est absolument en parfait état, en tout cas, bien plus présentable que tant de cités HLM complètement dévastées par leurs habitants, comme on peut en contempler dans tant de villes de banlieue autour de Paris. Restent la peinture, et les vitres ! Il faut dire que Jean Zay, ce sont des couloirs, des couloirs, et encore des couloirs, au point qu'on pourrait quasiment cheminer plusieurs heures, d'un bâtiment à l'autre, d'un étage à l'autre, sans jamais mettre le nez dehors ! Alors, évidemment, un petit coup de pinceau ne ferait pas de mal, ainsi que des luminaires un peu plus performants, maintenant qu'on dispose d'ampoules à basse consommation. Il faut dire que certains couloirs sont un peu lugubres, surtout au crépuscule. Quiconque a déjà vécu dans une cité ouvrière du type HLM sait qu'il y a un indice imparable de la qualité des gens qui peuplent ces endroits : les boîtes à lettres ! C'est généralement ce qu'on découvre en premier quand on entre dans un hall d'immeuble. Et là, on sait à peu près à qui on a affaire. À Jean Zay, je n'ai pas vu une seule boîte à lettres défoncée ! Comme preuve qu'ici, on a affaire à des gens civilisées ! Et pourtant, la mixité des nationalités et des ethnies doit être au moins aussi élevée que dans mainte cité ouvrière. La différence est qu'ici, tout le monde a le BAC ! Petit détail curieux : aucun système de fermeture sécurisée ; ni digicode, ni badge d'accès au site, ne parlons même pas de caméras ! Imaginons qu'un jour, une bande d'excités débarque ici pour dépouiller les étudiants de leurs téléphones portables ou ordinateurs, comme cela s'est déjà produit quelque part en Seine-Saint-Denis, dans un amphi, en plein cours ! Autre curiosité, pour qui connaît les cités ouvrières de la banlieue, qui ne sont que des empilements de "cages à lapins", avec zéro activité culturelle : en milieu étudiant, c'est tout le contraire ; on n'y vient pas seulement pour dormir ; on y fait aussi du sport, on y étudie, on y fait de la musique, etc, d'où les équipements et les salles de travail ad hoc... Bien évidemment, je n'expose ici qu'une petite partie de ce qu'on peut voir à Jean Zay. Moralité : ceux qui rêvent de détruire ici auront bien peu d'arguments à faire valoir ; mais il faut dire que la cité Jean Zay est cernée de zones résidentielles dont j'imagine que leurs promoteurs ne rêvent que d'une chose, faire main basse sur l'énorme espace occupé par la cité universitaire voisine. Et là, je crois que nous serons quelques uns à défiler... Et dire qu'avec un peu d'imagination, on pourrait faire la même chose dans nos cités dites sensibles où, depuis maintenant trente ans, on a entrepris de détruire bêtement des bâtiments contemporains de celui-ci, souvent délabrés, il est vrai, après avoir été livrés, neufs, à des cohortes de paysans illettrés et à leur innombrable progéniture. Parce qu'au lieu de détruire bêtement les Renoir, les Balzac, les Molière, les George Sand et autres Berlioz, on aurait pu commencer par mettre les populations de ces cités au diapason des illustres grands hommes et grandes dames dont on leur imposait le compagnonage, en les instruisant en conséquence. Juste pour rire : combien d'habitants d'une cité Berlioz savent seulement qui était Hector Berlioz ? Et combien sauraient à quel Renoir renvoie le nom de leur cité, sachant qu'il y a eu deux Renoir ? Contrairement à ce qu'on a fait dans les résidences universitaires, les cités ouvrières sont restées des no-man's land intellectuels et culturels, et ce, malgré les forêts d'antennes paraboliques, et c'est là leur principale tare, tare à laquelle les destructions à tout bout de champ ne changeront rien et n'ont, du reste, rien changé en trente ans.
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