Zéro redoublement | ||||||||
Pour une exigence d'excellence | ||||||||
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Sept cents heures...
Et si l'on décidait, enfin, d'en finir définitivement avec une certaine culture de la médiocrité ?
André a décidé de suivre une remise à niveau, mais on ne va pas lui apprendre à lire, ce serait trop long, disent les spécialistes ; on va juste lui apprendre à se débrouiller avec ce handicap. (André, adulte illettré, Europe 1, 13 octobre 2000). 10 à 15 % des jeunes ne fréquentent plus l'école ! (Dominique Perben, Garde des Sceaux, in Mots Croisés, Arlette Chabot, France 2, 7 octobre 2002) Premier de la classe tondu : quatre lycéens de l'Aveyron ont été condamnés, mercredi 16 juin 2004, à des travaux d'intérêt général. Ils avaient tondu un camarade à qui ils reprochaient ses bonnes notes. Le Monde, 18 juin 2004. La première des violences (scolaires), c'est le chahut : la première cause de déprime. Vincent Cespédès, enseignant, in Ripostes, France 5, 1er décembre 2002. Il y a moins d'enfants des classes modestes qui accèdent à l'enseignement supérieur qu'il y a trente ans (en valeur absolue, par rapport aux milieux aisés), alors que, dans l'intervalle, on a multiplié par sept le nombre d'étudiants accédant à l'enseignement supérieur. (Claude Allègre, interview Karl Zéro, Le Vrai Journal, Canal +, 6 octobre 2002). Si les performances du système scolaire français sont plus que médiocres dans l'ensemble, la France s'illustre néanmoins dans deux domaines : la permanence d'une élite performante parmi les élèves (et de ce point de vue, les meilleurs lycéens français n'ont rien à envier à leurs congénères étrangers.) ainsi que la permanence de pratiques relevant du replâtrage dans la mesure où elles visent à offrir à des sujets en échec scolaire un semblant de réhabilitation, "semblant" parce que ces sujets n'accèdent jamais à l'excellence. Comme ici, avec l'orthographe : Une classe de 4ème technologique au collège Jean Renoir... Un établissement difficile classé en zone d'éducation prioritaire... "L'orthographe on s'en fout. Ce qui compte, c'est le passage à l'acte, le geste de l'écriture."... Rudy, lui, n'est pas de la partie. Il a été exclu du collège jusqu'à la fin des cours... C'est toujours la même chanson : d'abord, on les laisse échouer, pour tenter, ensuite, et dans des conditions bien plus ardues, de les remettre à niveau, sauf qu'avec l'âge, les mauvaises habitudes ne se laissent pas éliminer comme cela ! Du coup, les médiocres restent médiocres et tous les efforts déployés n'auront servi à rien ! Ci-dessous : à gauche, Nabil, 9 ans ; élève de CM1 (extrait du cahier de classe), une des innombrables victimes de la méthode globale de lecture ; à droite, Salma, 8 ans, même profil socio-culturel (père harki analphabète, mère femme de ménage). Détail important : dans la chambre, un ordinateur tout neuf bourré de logiciels éducatifs. Mon expérience du terrain m'a toujours démontré que, contrairement à tous les poncifs, bien des enfants de ces quartiers dits "sensibles" ont des capacités intellectuelles nettement supérieures à la moyenne, capacités qui échappent régulièrement au corps enseignant. Poursuivons avec la petite Salma, élève de CE2 ; ci-dessous, quelques exemples de calcul décimal (multiplication et division) ; pour mémoire, les calculs qui suivent ne figurent pas au programme du CE2. Autre échantillon : cette fois, il s'agissait de recopier, en le corrigeant, un texte truffé de fautes. Disons-le tout net : dans ma longue pratique des quartiers ouvriers, je n'ai que trop souvent rencontré des gamins dont les potentialités étaient systématiquement méconnues par les enseignants, quand ils n'étaient pas victimes de harcèlement, à l'image de Selaymane (ci-dessus à droite) : un gamin plus que doué, que des crétins avaient réussi à faire interner (à 11 ans), juste parce qu'il était un peu turbulent, dans un centre médico-pédagogique pour adolescents caractériels voire psychotiques. Et il a fallu se bagarrer pour le faire libérer de ce goulag pour enfants ! Pour mémoire : les sujets évoqués ici (Inès, Salma, Selaymane) étaient, tous, issus de familles ouvrières, avec des parents peu voire pas instruits. Et je puis affirmer, sans risque de me tromper, que dans un cadre de stricte égalité des chances, au départ, ces enfants de quartiers "difficiles" feraient d'excellents polytechniciens, centraliens, normaliens, etc. Le fait est que j'ai trouvé, chez eux, des capacités intellectuelles souvent supérieures à celles de bien des fils et filles de médecins, architectes, commerçants, banquiers... Moralité : arrêtons d'engluer ces gamins des cités ouvrières dans la médiocrité, à coups de soutien scolaire bidon et inefficace ! Le plus efficace des remèdes contre l'échec scolaire ? S'attaquer au problème à la racine, c'est-à-dire au niveau de la sous-instruction des parents. Car avec 100 % de parents alphabétisés et encouragés à s'élever dans l'échelle des connaissances (on m'objectera que c'est aux pays d'origine de ces populations qu'il incombe d'instruire leurs propres ressortissants, sauf que le père de Salma, harki de nationalité française, était toujours analphabète plus de quarante ans après son départ d'Algérie !), on casse d'ores et déjà une profonde cause d'inégalité, qui voit certains enfants bénéficier de l'attention de leurs parents à la maison, quand d'autres parents, trop peu instruits, n'arrivent pas à jouer leur rôle de premiers éducateurs de leur progéniture. Les problèmes se règlent, donc, en amont !
P.S.
1. Lire et relire F. Dubet : "Imaginons que, demain, par une sorte de miracle, les élèves des grandes écoles soient exactement à l'image de la société française, que les filles, les enfants d'ouvriers, d'employés, d'immigrés y soient proportionnellement aussi présents qu'ils le sont dans l'ensemble de la société. Cette école serait sans doute beaucoup plus juste qu'elle ne l'est aujourd'hui, le pur mérite des individus serait reconnu, les inégalités sociales neutralisées et l'arbitrage scolaire parfaitement impartial. Rien ne nous invite à abandonner cet idéal. Mais cette école de rêve serait-elle parfaitement juste ? Elle ne serait meilleure que dans la mesure où les vaincus de cette sélection parfaitement équitable ne seraient pas abandonnés, relégués, humiliés et dépourvus de toutes ressources. Autrement dit, il ne faut pas se poser le problème de la justice scolaire uniquement du point de vue des "vainqueurs", mais aussi de celui des "vaincus", des plus faibles, des plus fragiles et peut-être des moins bons. (…) C'est là le véritable sens d'une culture commune, celui d'une existence de justice consistant à garantir aux plus faibles des élèves ce à quoi ils ont droit pour mener une vie personnelle, civique, sociale, acceptable, pour faire que leur scolarité ne ferme pas plus de portes qu'elle ne leur en ouvre. (…) En fait, le refus de la culture commune se conjugue étrangement à la défense de la légitimité des dirigeants et des vainqueurs d'une sélection scolaire continue faite par et pour ceux qu'elle a couronnés. Si l'on considère que le système scolaire est une compétition, peut-être plus juste que d'autres, mais une compétition malgré tout, on comprend aisément que les vainqueurs n'aient pas envie de changer les règles du jeu qui les favorisent. Et si l'on observe que les groupes très qualifiés, parmi lesquels les enseignants et leurs enfants, sont, par définition, plutôt du côté des vainqueurs, on comprend aisément comment la défense des grands principes de "l'excellence pour tous" s'accorde à celle d'intérêts plus particuliers. Il y a dans cette histoire de culture commune quelque chose comme un conflit de classes opposant les groupes qui bénéficient le plus de l'école aux groupes qui en retirent un sentiment d'indignité si fort qu'ils s'interdisent même de participer au débat ; seuls les vainqueurs racontent l'histoire. (…) Le débat sur la culture commune n'oppose pas les "républicains" aux "pédagogues" (…). Il oppose l'incantation méritocratique considérant que l'école juste est un vaste mécanisme de distillation fractionnée dans lequel l'excellence exigée de tous conduit pratiquement à la relégation du plus grand nombre (surtout des plus pauvres et des plus démunis) à ceux qui considèrent que si l'école doit, bien sûr, hiérarchiser les compétences et le mérite, cela ne peut se faire au prix du "massacre" des plus faibles…" François Dubet, Sociologue (Libération, 18.10.2004, p. 39)
2. Dans la rubrique "Ça ne s'invente pas !" ou "Décidément, l'Éducation Nationale ne sait pas faire !"
Une de ces histoires édifiantes dont l'Éducation Nationale a le secret : des élèves de Troisième privés de professeur de technologie durant tout un trimestre, voire plus (le deuxième trimestre commence, en effet, bien avant les vacances de Noël !)... "Le principal avait trouvé un prof de technologie par l'intermédiaire de Pôle emploi, mais le rectorat a finalement affecté ce dernier...". Détail savoureux : ça se passe à... Mantes-la-Jolie ? Sarcelles ? Clichy-sous-Bois ? Non, à Saint-Cloud, chez les "riches" ! Il faut savoir qu'un principal de collège (public) qui recrute lui-même un enseignant, ça n'existe pas, parce que les enseignants sont - normalement - recrutés directement (après concours) par l'Administration centrale via les rectorats d'académie, et que ces derniers gèrent aussi des listes comportant des centaines à milliers de "maîtres auxiliaires", enseignants non titulaires et engagés de manière contractuelle, soit en CDD... Et même à supposer qu'il n'y ait pas eu de professeur titulaire susceptible d'assurer le remplacement, il est inimaginable que le rectorat n'ait pas eu, sur ses listes, de professeur non titulaire disponible (alors qu'il y en a des centaines voire milliers au chômage !). Ce qui veut dire que, dès la nouvelle du congé de maternité de cette enseignante, le rectorat avait la possibilité de lui trouver un remplaçant dans la demi-heure ! À moins que la France ne confirme, une fois de plus, qu'elle dispose d'un système scolaire digne d'un pays du Tiers-monde, ce qui ne me surprendrait qu'à moitié !
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