Décembre 2010
Madame, Monsieur le Maire,
Je me présenterai en quelques mots : je connais assez bien la banlieue parisienne ainsi que Paris intra muros, qu'il s'agisse de quartiers huppés ou de cités HLM. La raison en est que j'ai longtemps officié comme professeur à domicile, le seul métier permettant d'entrer réellement dans l'intimité des gens, en tout cas bien mieux que le plombier, le dépanneur de téléviseur voire le médecin, qui ne font que passer... Prof à domicile permet, en effet, de venir une ou deux fois par semaine, au moins une année durant, d'être parfois invité à table ou de repartir avec des emballages de plastique alimentaire garnis de victuailles provenant des quatre coins de la terre. Et la dernière fois que j'ai mangé "exotique" dans un logement, il y a quelques années maintenant, j'ai eu droit à des croquettes japonaises accompagnées d'un thé-maison que je n'avais jamais bu nulle part, le tout non loin de la Porte de Saint-Cloud (Paris 16ème) : une petite pimbêche de quatre ans et demi, un peu trop capricieuse car un peu trop maternée par la mère...
** Et pourquoi donc vous parlai-je de ça maintenant ? En partie à cause de ce qui suit :
C'est un cahier de brouillon contenant plusieurs dizaines d'adresses d'associations et de mairies de la banlieue parisienne. Nous sommes au début d'octobre 2005, un père de famille m'appelle sans trop me donner de détails. Je crois comprendre que c'est pour un de ses enfants qui a des problèmes scolaires. Je prends le RER, il doit y avoir un bus n° 6... sur le parvis. Il y a bien un bus sur le point de démarrer, mais il est plein comme un oeuf. Qu'à cela ne tienne, comme j'aime bien être en avance, je peux me permettre d'attendre le prochain. Le voilà ! Je suis parmi les premiers à m'y engouffrer. Le voyage dure une petite (!) quarantaine de minutes. On passe devant un panneau routier indiquant le nom d'une cité fort célèbre dans les médias, en raison des échauffourées qui y ont vu s'affronter jeunes sauvageons et policiers, dans des temps pas si anciens que ça.
Je précise que nous sommes bien au début d'octobre 2005. Le père de famille en question doit être artisan, plombier ou électricien. Origine Maghreb. Il possède une fourgonnette et sort souvent. À peine suis-je arrivé qu'il me plante dans son bureau, devant un ordinateur qui aurait des problèmes, et me demande de l'excuser car il a une intervention à faire et devrait revenir dans une demi-heure. Je reste donc devant l'ordinateur, en compagnie du fils aîné qui va sur ses douze ans. Je vous rassure, ce ne sera plus très long.
Visiblement, c'est un problème de connection avec l'Internet, qu'on a installé récemment. Tout le monde se souvient que les premières installations de l'Internet + téléphone + télévision ont été assez acrobatiques. Bref, je réalise que seul le fournisseur d'accès a le pouvoir de régler cette affaire. Et j'attends le retour du père lorsque j'avise sur un tabouret un annuaire du téléphone dont je m'empare aussitôt pour relever des adresses : des associations culturelles ainsi que des mairies.
Ce que vous voyez, ci-dessus, est donc un bout de feuille d'un cahier de brouillon sur lequel j'ai noté la totalité des adresses des mairies du... 93, soit de la Seine-Saint-Denis. Le fait est que, dans les quarante-huit heures qui vont suivre, j'adresserai un courrier à l'ensemble des maires en question, de A comme Aubervilliers, à V comme Villetaneuse. Par conséquent, si vous êtes un(e) élu(e) municipal(e) d'une ville du 9-3, vous devez forcément avoir un bout de ma prose dans vos archives !
Mais je ne me suis pas contenté d'écrire en Seine-Saint-Denis, puisque dans la rubrique "Courrier", vous pourrez constater que j'ai reçu du courrier de maires d'autres départements.
Et ce petit rappel historique va me permettre de mettre de nouveau les pieds dans le plat : nous étions en octobre 2005, soit quelques semaines AVANT les fameux soulèvements urbains de l'automne, qui ont suivi la mort de deux adolescents dans un transformateur de Clichy-sous-Bois, provoquant le psychodrame que l'on sait.
Je revois encore les mines ahuries de tel ou tel élu, de tel ou tel responsable politique, de tel ou tel journaliste, découvrant que, pas loin de chez eux, des jeunes pouvaient se comporter comme des barbares, en brûlant, saccageant, brutalisant.
Il se trouve que ça fait des années maintenant que, fort de ma petite expérience de terrain, d'une petite vingtaine d'années, je préviens les élus de tous bords et de tous niveaux de responsabilités, sans oublier les associations de tous formats, qu'à la base de tout, il y a une exigence de réussite scolaire et d'instruction élémentaire (ce qui concerne autant les enfants que leurs parents, notamment ceux qu'on dit "issus de l'immigration" !) et qu'à ce niveau, pas grand chose n'est fait. Vous aurez remarqué que les premières adresses de mon cahier concernent des associations. Le fait est que j'ai écrit à beaucoup d'entre elles, souvent spécialisées dans la lutte contre l'échec scolaire. Mais sur les dizaines de courriers adressés, j'ai dû compter une ou deux réponses : de petits chefs d'oeuvre de langue de bois. Ci-dessous, à gauche, la Croix Rouge, section alphabétisation (je vous invite à entrer en contact avec...) ; à droite, une Fédération pour l'Enseignement et la Formation des Travailleurs Immigrés..., où il m'est conseillé de transmettre mon offre, et gna-gna-gni, et gna-gna-gna... Bref, on m'envoie promener. Technique classique.
En ce mois d'octobre 2005, je suis allé à peu près partout, ai collé des centaines d'affiches dans des foyers SONACOTRA comme dans des résidences africaines, notamment à Montreuil-sous-Bois et dans les arrondissements de l'Est parisien, tout comme j'ai tenté de recruter, dans ces mêmes foyers, des bénévoles susceptibles de m'aider à alphabétiser leurs congénères. Le résultat ? Un bide total.
Et voilà qu'en novembre 2005, la banlieue s'embrase, et le monde entier de faire semblant de découvrir ce qui couvait sous la cendre depuis des décennies, et qui couve toujours sous la cendre, aujourd'hui !
Autant dire que, pour la nouvelle fournée de courriers que j'ai entrepris d'expédier, en ce mois de décembre 2010, je n'ai pas eu à rechercher des adresses, me contentant de consulter mon bon vieux cahier de brouillon.
** La nouvelle est tombée alors que j'entamais la rédaction de ce texte : 13 décembre 2010 au matin, à Besançon, une école maternelle est investie par un forcené de 17 ans. Cela veut-il dire qu'on entre encore dans les écoles comme dans un moulin ? Treize ans après l'affaire Human Bomb à Neuilly-sur-Seine ? Ça alors !
Je poursuivrai par un quiz : connaissez-vous le bourg le plus sûr de France ? Il compte quelques milliers d'habitants ; aucun véhicule de police ou de gendarmerie n'y stationne ; on n'y croise aucun dealer de drogue et, détail plus surprenant, il totalise à lui seul quatre à cinq fois plus de nationalités que la plupart des "cités sensibles" et autres "quartiers à problèmes" de France.
Voilà qui risque d'en étonner plus d'un(e) : un quartier regorgeant des nationalités les plus diverses, sans que cela ne constitue un prétexte à incivilités ou autres affrontements. Il me semble que tous les maires de France et de Navarre, confrontés aux dysfonctionnements de leurs "zones urbaines sensibles", devraient venir ici découvrir la formule miracle... La réponse au quiz se trouve quelque part sur ce site.
Cela va donc faire plus de quinze ans, maintenant, que j'écris à des élus, essentiellement des maires, pour attirer leur attention sur un certain nombre de faits dont j'estime la négligence (ou la non prise en compte) préjudiciable à la vie de la cité, pour parler simplement.
** Pourquoi essentiellement des maires ? J'irai chercher la réponse chez deux élus :
Les maires portent, aujourd'hui, le poids de la réalité politique vraie, celle du terrain. (François Bayrou, interview Arlette Chabot, Europe 1, 14 mars 2002)
Les gangs de jeunes, c'est nous (les maires) qui les avons ; les usines qui ferment, c'est nous qui les avons…, alors, donnez-nous le pouvoir et les moyens ! (Jean-Louis Borloo, maire de Valenciennes, Europe 1, 14 mars 2002)
Je souscris complètement à ces deux affirmations, même si, depuis, Borloo a eu des responsabilités gouvernementales ; a-t-il seulement pensé à offrir à ses anciens collègues le pouvoir et les moyens ?
Prenons le dernier rapport PISA sur les performances scolaires des pays de l'OCDE : les chiffres de la France restent désespérément mauvais. Et pourtant, tout le monde nous dit que le premier stade de l'enseignement, à savoir le primaire, est le plus important de tous, avec une mention particulière pour l'environement familial des enfants, car c'est là que tout se joue.
Bien évidemment, on a eu droit à la sempiternelle suite de commentaires, dont nous savons pertinemment qu'il n'en sortira rien, et pour cause : voyez le silence radio de la part des enseignants ! Rendez-vous compte : quand il y a un problème de traces de benzène dans de l'eau minérale, tout le stock est retiré des magasins ; quand il y a un problème de freinage sur des automobiles Toyota, toute la série est rappelée au garage ; et quand il y a un problème sur un réacteur Rolls-Royce de l'Airbus A-380, Qantas immobilise les avions jusqu'à ce qu'on ait identifié la panne... Dans tous les cas, on a des techniciens et des ingénieurs qui, parce que c'est leur job, vont identifier le problème parce que le client est roi ! Du coup, on n'entend plus parler des problèmes de freinage chez Toyota, ni des traces de benzène dans les bouteilles de Perrier, etc.
Un nième rapport PISA cible les insuffisances du système scolaire - et social - français, et rien ne bouge, personne ne se sentant responsable de ce marasme, dont nous savons pourtant qu'il joue un rôle majeur dans les incivilités survenant à l'école (cf. l'indiscipline des élèves) et en-dehors.
Et comme pour faire écho à ce que je proclame depuis longtemps, j'ai déniché ce texte émanant d'un père de famille qui résume parfaitement les enjeux soulevés par le rapport de l'OCDE.
Source :
Qu'est-ce que le rapport PISA ?
Il vise à mesurer les performances des systèmes éducatifs des pays membres. Vaste sujet qui nous concerne tous. L'éducation de nos enfants, c'est ce qui permet, vous en conviendrez, qu'ils deviennent des êtres capables de vivre dans notre société, si difficile et inégalitaire, c'est à dire d'avoir un métier valorisant et rémunéré pour ne pas se trouver à la charge de leur famille ou de la société.
(...)
PISA a pour objectifs :
- Comparer les performances de différents systèmes éducatifs en évaluant les compétences acquises par les élèves en fin d'obligation scolaire, quinze ans. Ces compétences sont définies comme celles dont tout citoyen Européen moyen peut avoir besoin pour réussir dans sa vie quotidienne, ce que l'anglais appelle literacy, par exemple reading literacy, mathematical literacy et scientific literacy, difficilement traduisibles en Français...
- Identifier les facteurs de succès, facteurs exogènes, notamment le milieu social économique et culturel des familles...
- Suivre l'évolution de l'enseignement dans les pays membres de l'OCDE et les pays partenaires, près d'une soixantaine de pays, en conduisant des évaluations périodiques, Wikipédia.
(...)
J'ai suivi la scolarité des mes deux enfants, et j'allais aux conseils de classe chaque trimestre, il y a environ 35 ans pour le plus âgé. A chaque fois je constatais pendant le premier cycle un désintéressement permanent des parents, et j'entendais constamment des maîtres que les élèves étaient médiocres, et mauvais. Au terme de la dernière année du premier cycle, ayant assez d'entendre la même chose je leur ai demandé s'ils ne se sentaient pas responsables de la médiocrité de leurs élèves. Cela a été très mal reçu, toute vérité n'est pas toujours bonne à dire ! Mon fils qui était très mal noté est devenu médecin praticien hospitalier.
(...)
Autre exemple mon second fils 10 années plus jeune entre au collège, et se trouve intégrer une classe ou était une majorité d'enfants immigrés. A la première évaluation, le maître se trouve confronté avec des dictées de 40 fautes en quelques lignes. Laisser un enfant dans cette ambiance était le tuer. J'ai réussi avec de grandes difficultés à le déplacer dans un autre collège du même département, la Seine Saint-Denis. Conclusion, si difficultés il y a en France dans l'éducation de nos enfants par rapport aux autres pays, cela tient aussi au facteur d'immigration trop important dans certains départements qui sont ainsi sacrifiés.
(...)
L'éducation de nos enfants commence par celle de leurs parents qui n'exercent pas pleinement leurs responsabilités. De plus les inégalités sont déjà présentes à la naissance, une famille aisée peu payer des maîtres pour ses enfants, leur faire apprendre plusieurs langues, les envoyer pendant leurs vacances dans des pays ou ils pourront parfaire leur savoir, faire des connaissances, autant d'avantages inégalitaires par rapport à des familles ouvrières, et pauvres. Les enfants de «riches» naissent «riches» et rien ne pourra y changer. Ce n'est pas seulement une question d'argent, c'est aussi une question de savoirs pour le bien de ses enfants. Les familles enseignantes peuvent compléter l'éducation de leurs enfants s'ils ont un retard scolaire. A celles là il faut ajouter les familles de hauts dirigeants, cadres, d'avocats, de juristes, de médecins.....
(...)
La réduction des inégalités commence par la réduction de celles des familles et par une meilleure répartition nationale des immigrés par l'application de la loi SRU.
Fin de citation
Sur la dernière opinion de cet internaute, à savoir que la réduction des inégalités commence par la réduction de celles touchant les familles et par une meilleure répartition nationale des immigrés, par l'application de la loi SRU, je dirais que j'approuve la première partie de la proposition, sous cette réserve que, dans le milieu du spectacle, par exemple, si l'on s'amuse à compter les bacheliers parmi les rejetons de nos stars de la chanson et du cinéma, on doit être autour de zéro pour cent ; et pourtant, on a là des stars dont les revenus annuels se comptent par millions d'euros. Je dirais même plus : si l'on prend un contingent d'enfants de stars de la chanson et du cinéma, d'une part, et un contingent similaire d'enfants d'ouvriers ou de manoeuvres africains vivant dans une banlieue ouvrière, d'autre part, je suis à peu près certain que l'on trouvera plus de sujets accédant aux études supérieures dans le second groupe que dans le premier !
Quant à la deuxième partie de la proposition de notre internaute, à savoir une meilleure répartition nationale des immigrés par l'application de la loi SRU, je me contenterai de rappeler quelques évidences, à savoir que la Commanderie, cité sensible de Nogent-sur-Oise, a commencé par être une résidence de prestige : "on venait de toute la région pour se faire photographier devant les parterres de fleurs de la Commanderie." (cf. un reportage de Christophe Nick pour Envoyé Spécial, France 2). Et pour ma part, dans mon immeuble du boulevard de la République, à Villiers-le-Bel, durant dix bonnes années, nous devions être moins d'une dizaine de "gens de couleur", sur peut-être deux cents résidents. Aux dernières nouvelles, il paraît que Villiers-le-Bel est devenu un ghetto africain, les "indigènes" étant en train de fuir l'endroit ! C'est dire si la mixité sociale, dont on nous bassine les oreilles, est un leurre. Toutes les cités sensibles d'aujourd'hui ont commencé par être des lieux de forte mixité sociale, il n'y a pas si longtemps.
** La raison d'être du présent courrier ?
En finir définitivement avec une certaine culture de la médiocrité...
Dans deux semaines, nous allons encore avoir droit à la kyrielle des voitures qui flambent dans la nuit de la Saint-Sylvestre. Je pense tout naturellement à Strasbourg, où j'ai vécu entre 1976 et 1987 et où je n'ai pas aperçu la moindre carcasse de voiture brûlée ni avant, ni pendant, ni après la nuit de la Saint-Sylvestre !
Là encore, les maires sont en première ligne, et là encore, je suis persuadé que ces agissements peuvent être éradiqués par d'autres moyens que le simple déploiement d'armadas de policiers et de gendarmes.
Mon projet du moment, qui est le même qu'il y a une quinzaine d'années, consiste à faire comprendre à tout le monde que même les jeunes des cités les plus sensibles peuvent accéder à l'excellence. J'ai pu le vérifier moi-même au cours des années durant lesquelles j'ai officié comme professeur particulier, avec un taux de 100 % de réussite entre le CP et la Troisième.
Il y a une quinzaine d'années (1994), j'avais émis le souhait d'investir les écoles d'une ville de banlieue durant les congés scolaires, afin d'assurer la remise à niveau des élèves menacés par le redoublement. L'opération n'a pas pu se faire en raison de la complaisance d'un élu municipal. Depuis cette date, la ville en question figure en bonne place dans la liste des banlieues à problèmes, alors que durant les dix années que j'y ai passées, pas une fois on n'y a vu le moindre déploiement de cars de CRS !
Et c'est parce que je ne crois pas à "la faute à pas de chance" que je vous demande, Madame/Monsieur le maire, de faire preuve d'un peu d'imagination, en me prêtant des locaux dans votre ville : des locaux en grand nombre, au moins par dizaines ; pas de salles de classe cette fois, mais une priorité pour les cités HLM [cf. 20 % d'appartements vacants dans le parc HLM !], même si je sais pertinemment que les plus gros problèmes ne naissent pas dans les quartiers HLM mais dans les copropriétés privées (cf. Le Chêne Pointu à Clichy-sous-Bois, La Commanderie à Nogent-sur-Oise, La Grande Borne à Grigny, etc.).
Il est vrai qu'un bon nombre de ces quartiers ont défrayé la chronique ces derniers mois, de manière particulièrement péjorative, voire dramatique : je pense au quartier des Beaudottes, à Sevran, au Chêne Pointu, à Clichy-sous-Bois, à Firminy, près de Saint-Etienne, aux Tarterêts à Corbeil-Essonne, à la Grande Borne ou à Grigny-2, à Grigny, sans oublier Marseille, la Corse... Il paraît même que certains sont "interdits" aux policiers !
Et pourquoi ne pas commencer précisément par ces quartiers-là : les plus mal famés, où des bambins se lèvent tous les matins pour aller à l'école, en enjambant parfois des seringues abandonnées sur le sol voire des préservatifs usagés... ?
Peut-être les policiers de la BAC connaissent-ils des problèmes pour accéder à certains quartiers. Il paraît que des sauvageons y empoisonnent la vie des braves gens. À leur propos, je re-poserai la question que j'adressai à un certain nombre d'élus il y a déjà pas mal d'années :
"Ce gamin ingérable, que l'on amène, manu militari, vers un centre éducatif fermé, voire vers la prison, quel âge avait-il il y a dix ans ?"
Il y a dix ans, la plupart de ces sauvageons étaient de charmants bambins en culotte courte, avec une tototte dans la bouche.
On avait dix ans pour ne pas les louper, et on les a loupés quand même ! Entre nous, il n'y a vraiment pas de quoi être fier !
Dans les faits, je vous demande l'établissement d'un contrat entre votre municipalité et mon organisation, sous la forme d'un contrat de bail (= prêt à titre gracieux) de locaux, pour une durée de 24 mois (renouvelable), et ce, contre diverses prestations assurées bénévolement.
J'en énumérerai cinq pour commencer :
1. l'alphabétisation de toutes (= 100 %) les mères de familles, notamment celles issues de l'immigration. Le but est de faire en sorte qu'aucun enfant ne rentre de l'école sans que sa mère ou son père ne soit en mesure de lui assurer l'assistance pédagogique dont disposent d'autres enfants mieux lotis car nés de parents instruits (voir rubrique PMI).
2. la réussite scolaire pour 100 % des sujets d'âge scolaire (soit entre le CP et la Troisième) dans un délai de 24 mois, soit dès la fin de la prochaine année scolaire (2011-2012). Par réussite scolaire, j'entends le passage dans la classe supérieure avec des notes supérieures à 12/20 dans toutes les matières (voir rubrique Z.R.).
3. l'éradication du désert culturel que constituent les cités ouvrières : c'est simple ; on y entasse les familles dans ce que d'aucuns ont baptisé des cages à lapins, ce qui donne des dizaines de milliers de gens qui se contentent de rentrer chez eux le soir, pour se vautrer devant la télévision, avec des jeunes désoeuvrés se répandant par bandes dans les cages d'escalier ou les parties communes. Et pourtant, avec un peu d'imagination, on pourrait installer, au coeur même des immeubles, des salles de travail, salles de lecture, salles informatiques, salles de musique, salles de sport, etc., comme cela se fait déjà dans toutes les cités universitaires, en tout cas, utiliser plus judicicieusement ce qui existe déjà (voir rubrique MJC).
Je sais évidemment ce que d'aucuns vont me rétorquer, et que j'ai déjà entendu cent fois, d'ailleurs : "Mais mon bon monsieur, vous n'avez pas idée de ce que nous faisons déjà, avec notre tissu associatif tellement actif sur le terrain, nos investissements sur le plan socio-culturel, les maisons de quartier, la MJC... Que voulez-vous faire de plus ?" ?
Cf. Le Parisien, 13 février 2007, ce reportage dans une cité "sensible" de la région parisienne : "Pourtant, rien ne manque à la cité des Musiciens : point d'information jeunesse, terrain et salle de sport, activités multimédia et l'incontournable centre social Georges-Brassens. Là, aide aux devoirs, cours de cuisine, cours de gym tonic, même pour les femmes voilées, cours de danse hip-hop et autres s'enchaînent toute la semaine. La porte n'y est jamais fermée..."
Moralité : le problème n'est pas de faire plus, mais de faire mieux, par exemple, en mettant le doigt sur des problèmes dont personne ne parle vraiment, à l'instar de ce qui suit...
4. la lutte contre le surpoids, qui passe par la sensibilisation des familles (voir rubriques IMC01 et IMC02. Le fait est que le surpoids est une pandémie encore trop souvent négligée, peut-être parce qu'elle touche à peu près tout le monde, à des degrés divers : quelques hectogrammes par-ci, un paquet de kilos par-là. En effet, si l'obésité c'est l'excès visible de surcharge pondérale, le surpoids a ceci de préoccupant qu'il est insidieux et sournois. Et ici, comme en matière d'échec scolaire, beaucoup de choses dépendent de l'environnement familial, puisqu'on trouve énormément de jeunes en surpoids qui, pour des raisons religieuses (casher/hallal) ne mangent jamais à la cantine scolaire. Ci-dessous, quatre clichés captés dans la région parisienne : deux cas évidents d'obésité, et deux autres de surpoids. Ce que l'on constate c'est que si l'obésité saute aux yeux, le surpoids n'est généralement détectable que durant l'été, car il se camoufle très bien sous les vêtements. Le problème est que tout le monde a les yeux rivés sur l'obésité (11 % des Français), alors que, selon moi, la pandémie du surpoids touche beaucoup plus de gens, notamment jeunes. Les sujets photographiés ci-dessous devaient se situer dans la tranche des 8-12 ans.
Petite suggestion en passant : j'aimerais bien que quelqu'un ait l'idée de faire procéder - dans le cadre scolaire par exemple - à la mesure de l'Indice de Masse Corporelle des adolescents de France et de Navarre âgés de 13 +/- 3 ans, soit entre 10 et 16 ans. L'IMC se calcule aisément à partir de la taille et du poids, en y incorporant éventuellement le tour du poignet. En me fondant sur mes recherches personnelles, j'estime que le surpoids (que je ne confonds pas avec l'obésité) touche autour de 20 % des garçons, contre 60 % des filles.
Ce que tout le monde peut constater, en tout cas, c'est que la proportion des sujets en surpoids est bien plus élevée en primaire, collège et lycée que dans le supérieur ! (Mais à cela, il y a une explication évidente : la galère, qui frappe tant d'étudiant(e)s de plein fouet ; du coup, difficile de prendre du poids quand on ne prend qu'un vrai repas par jour !)
5. la question de l'échec scolaire chez les enfants hospitalisés : voilà un sujet auquel j'ai été maintes fois confronté lorsque j'officiais encore en qualité de professeur particulier. Je me souviens, entre autres, d'un jeune entré à l'hôpital en raison d'une grave énurésie, et qui y est resté une année entière. Le problème est qu'entré à l'hôpital en CM1, il en est ressorti en ayant quasiment oublié toutes les conjugaisons, toutes les multiplications, etc. Bref, il avait tout simplement régressé, les cours se déroulant au sein d'une classe commune et étant assurés par des bénévoles pas vraiment doués pour la pédagogie.
Le problème est qu'une hospitalisation arrive toujours de manière fortuite, et qu'elle peut durer un jour, une semaine, un mois ou un an, voire plus. Et dans ces conditions, le/la jeune hospitalisé(e) doit pouvoir compter immédiatement sur du personnel enseignant qualifié ! Il faut, donc, gérer des variables aussi aléatoires qu'imprévisibles, voire devoir intervenir pour un seul élève, ce que l'Education Nationale ne sait pas faire ! Du coup, pour éviter que cela ne coûte trop cher, on fait appel au bénévolat. Problème : trop souvent, bénévolat se traduit par amateurisme et incompétence, alors que la scolarité est une chose sérieuse qui doit être traitée par des personnels compétents.
Il suffit, pour mesurer la difficulté de la chose, de considérer la situation des enfants handicapés, dont la scolarisation est plus que problèmatique, en raison de la pénurie en A.V.S. (Auxiliaires de la vie scolaire) : là encore l'Education Nationale ne sait pas faire !
Il se trouve que j'ai évoqué la question dans un courrier (1999) adressé à la direction de l'Assistance Publique de la Ville de Paris, ce qui m'a valu zéro réponse, alors même que le problème est vécu très douloureusement par les familles : dans la quasi totalité des cas, une hospitalisation de longue durée se traduit toujours par du retard scolaire pour les enfants concernés. Les associations font ce qu'elles peuvent, mais, trop souvent, elles se bornent à bricoler. Il faut croire pourtant que c'est le cadet des soucis de certains bureaucrates de l'Assistance publique de la Ville Paris.
Mais j'entends d'ici la question : "Mais, mon bon monsieur, comment pouvez-vous nous assurer d'un projet réussi, là où tant d'autres, avant vous, se sont plantés ?"
À cela je répondrai simplement ceci : "Qui a parlé de projet réussi, a priori ?". Dans les sciences et techniques, une expérience n'est jamais réussie avant d'avoir été tentée ! Je constate simplement qu'il y a beaucoup d'échecs ; d'un autre côté, abondance de biens ne nuit pas. Et puis, qu'est-ce que ça coûte d'essayer ?
Pour en revenir au test PISA : pour beaucoup de personnes, parmi le grand public, cette enquête a probablement un côté abstrait. En ce qui me concerne, l'échec scolaire prend le visage de jeunes produisant à l'école des travaux comme ce qui suit (1999, dictée rédigée par un élève de CM1, né en France) :
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Enfin, nous sommes dans le train. Mon frère est très heureux, et moi aussi. Nos parents, qui nous laissent partir pour la première fois, nous font de grands signes d'adieu. (Enfin, nous sommes dans le train *). Maintenant, nous nous installons. Par chance, il n'y a pas beaucoup de monde dans notre voiture, seulement une vieille dame qui dort. Alors, attention, il ne faut pas la réveiller ! (* Cette phrase ne figurait pas dans le texte originel.) |
Ce qui précède est tout à fait représentatif du niveau absolument désastreux affiché par bon nombre d'élèves du primaire, notamment à l'écrit, et que l'on ne découvre souvent qu'au hasard des journées d'appel de l'armée. Et ce qui précède constitue l'ossature des problèmes que je soulève dans tous mes courriers depuis très longtemps, à savoir qu'en matière de lutte contre l'illettrisme, la France est un pays du Tiers Monde !
Si, d'aventure, les exemples évoqués ci-dessus (surpoids, illettrisme, scolarisation des enfants hospitalisés...) devaient vous laisser indifférent(e), je comprendrais tout à fait que vous ne réagissiez pas à cette lecture ; du reste, j'ai l'habitude que l'on ne réponde pas à mes courriers ! Dans le cas contraire, le plus simple serait de me communiquer votre accord à l'adresse électronique mentionnée ci-dessous. Et dès réception dudit courriel, je prendrai contact avec des associations d'étudiants, le CROUS, etc., afin de recruter des bénévoles (tous titulaires du BAC), de manière à être opérationnels dès les prochaines vacances de Noël.
En résumé : on parle de 20 % de vacance dans le parc HLM, soit un appartement vacant sur cinq. C'est dire le nombre d'étudiants qu'on pourrait y loger, pauvres étudiants qui galèrent à chaque rentrée universitaire, et qui seraient fort utiles dans ces quartiers populaires, en lieu et place de toutes ces associations bidons, toujours avides de subventions et surtout occupées à engluer les jeunes dans la médiocrité, alors qu'avec un peu d'imagination, on pourrait leur garantir l'excellence.
N'ai-je pas été assez clair ? En échange d'un logement peu cher, voire pas cher du tout, quelques centaines à milliers d'étudiants pourraient encadrer utilement tous ces gamins qui désespèrent d'avoir des "grands frères" tellement défaillants ! On ferait d'une pierre deux, trois voire quatre coups : 1) loger les étudiants, 2) alphabétiser les immigrés adultes, 3) éradiquer l'échec scolaire chez les jeunes, 4) lutter contre l'obésité en faisant bouger les adolescents au lieu de les laisser s'avachir devant télévisions et consoles de jeux vidéo, etc.
Entre médiocrité et excellence, le choix est vite fait, et d'aucuns semblent l'avoir fait, d'où le marasme !
En vous souhaitant bonne réception, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur le Maire, l'expression de mes salutations distinguées.
R. WORA
Pour me joindre, on préférera le courriel : rwboula@gmail.com
P.S. (1) : Je ne saurais trop vous inciter à méditer mon équation : 6 + 6 + 6 = 18. L'enfant entre en CP à six ans et, deux mandats municipaux plus tard, il est en âge de voter...
P.S. (2) : La liste de l'ensemble des destinataires du présent courrier sera publiée ici même dès qu'elle sera complète.
P.S. (3) : J'espère vous avoir convaincu(e) que ma proposition reposait sur un simple 'gentleman agreement' ne donnant lieu à aucune transaction financière : vous prêtez des locaux à mon organisation, et nous faisons le job, le tout sur la base d'un calendrier précis (cf. 700 heures). Et j'imagine que, dès le début de l'opération, tout le monde viendra aux nouvelles, je veux parler des médias, tellement friands de récits croustillants autour des bandes rivales, des ménages polygames et autres gangs de dealers ! (Cela dit, je suis mauvaise langue ; pour preuve, j'ai bien aimé les "immersions" de Roselmack sur TF1).
P.S. (4) : J'entends tous les jours que les banlieues sont stigmatisées, que c'est la galère d'envoyer un CV quand on habite dans tel département ou telle ville, et patati et patata... Le fait est que moi, quand je traverse ces zones urbaines, sensibles ou non, je lève systématiquement le nez et me prends à rêver à tout ce qu'on pourrait y faire, et qu'on n'y fait pas, par manque d'imagination (des habitants eux-mêmes, qui préfèrent se morfondre dans la morosité plutôt que d'innover pour leur propre compte !). Il faut croire que j'ai une image bien plus positive de certains quartiers que celle qu'en ont leurs propres habitants !
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Un exemple, en passant : comment attirer ne serait-ce qu'une fraction des 'x' dizaines de millions de touristes qui débarquent à Paris tous les ans ? À Versailles, on sait faire ; enfin, Louis XIV l'a fait. Et ailleurs ? Que pourrait-on créer, dans tel ou tel quartier "défavorisé", pour y attirer des touristes ? Présenté autrement : pourquoi tant de touristes en direction du Sacré Coeur et si peu dans le quartier d'à côté, la Goutte d'Or ? Aucun mur de séparation n'interdit aux touristes de poursuivre leur déambulation vers telle ou telle rue, et pourtant, ils n'y vont pas (*). Il doit bien y avoir une raison, non ! Qu'y a-t-il donc de si dégoûtant dans tel quartier, au point de faire repoussoir auprès des visiteurs éventuels ? Quelqu'un y a-t-il seulement réfléchi ?
(*) Trop d'Africains à la Goutte d'Or, à Sarcelles, à la Courneuve ou à Mantes-la-Jolie ? Serait-ce là la raison de l'ostracisme manifesté par les touristes à l'égard de ces cités ? Parce que sur les plages kenyanes, marocaines, tunisiennes ou sénégalaises, il n'y a pas d'Africains ?
P.S. (5) : Le tocsin sonne...
Question : Jacques Barraux est-il hors sujet en déclarant, d'une part, que la plus mauvaise nouvelle économique de l'année 2010 aura été, pour la France, l'annonce de son effondrement dans le classement PISA de l'OCDE et, d'autre part, que le tocsin sonne à l'école primaire, laquelle n'est pas concernée par le rapport PISA ? À cette question, il aurait certainement répondu : "mais pas du tout !", ce qui est aussi mon avis. Et je me réjouis, en passant, de voir que nous sommes quelques-uns (pas très nombreux, certes !) à penser la même chose : là où à peu près tout le monde va se mettre à gloser sur les mauvais résultats de la classe d'âge des 15 ans, nous sommes, en effet, quelques-uns à penser que les problèmes révélés par PISA vers 15 ans prennent leur source bien plus tôt, autant dire une dizaine d'années en amont, soit dès l'école... communale, comme l'ont chanté les Frères Jacques.
"Traverser une crise d'adolescence à 13 ans dans un collège médiocre prête moins à conséquence que d'être privé, à 8 ans, du viatique qui conditionne la vie entière : savoir lire, compter, s'exprimer de manière intelligible et avoir calé dans son cerveau le minimum de connaissances qui aident à se situer dans l'espace, le temps le monde d'aujourd'hui..."
Le tocsin sonne à l'école primaire veut dire, en bon français, que les problèmes se règlent en amont ! |